Entre 1663 et 1673, elles sont environ 800 à faire voile vers la Nouvelle France pour « faire des familles ». Elles, ce sont les « Filles du Roy ». Le Canada est en guerre avec les Iroquois, il compte six à quatorze fois plus d’hommes que de femmes ; la survie de la colonie est en jeu. Le passage de la Nouvelle-France sous administration royale en 1663 et la mise en place d’une politique de peuplement, subventionnée par Louis XIV et dirigée par Colbert, permirent à Paris et à l’Île-de-France de prendre place dans ce mouvement migratoire. Les pionnières de ces premières années fondatrices venaient du Perche, de Normandie, du Poitou, de l’Aunis et de la Saintonge. La majorité d’entre elles étaient plutôt de souche rurale, âgées de 14 à 20 ans, saines de corps et d’esprit, libres d’attaches familiales, souvent même orphelines rattachées à des couvents ou des hôpitaux généraux.
La liberté de revenir
Le recrutement connut de maigres résultats : 38 filles quittèrent la Rochelle en 1663, et 15 en 1664. Mais l’évêque de Québec se méfie des filles arrivant de La Rochelle : filles « sans religion » et quelques protestantes ! C’est pourquoi en grande majorité, elles partent des ports normands, débouchés maritimes de Paris et de l’Ile-de-France. Le premier fort contingent de « Filles du Roy » pour le Canada fut formé en 1665. Et même si leur sort était scellé par une volonté royale, elles n’étaient ni filles de joie ni bannies de France. Quatre-vingt-deux seraient même rentrées en France et y seraient décédées.
Le choix des époux
Arrivées en Nouvelle-France, toutes les Filles du Roy pouvaient choisir leur époux, signer un contrat de mariage puis l’annuler, en signer un second et parfois un troisième, avant d’épouser, enfin, l’homme qui leur convenait. Plus exactement 770 « Filles du Roy » débarquent à Québec entre 1663 et 1673. 737 prirent mari une fois, 181 se marièrent deux fois, 35 convolèrent trois fois et 2 connurent quatre épousailles.
Mères de la nation québécoise
Leur présence fixa au pays près d’un millier de pionniers et leur remarquable fécondité renversa l’ordre des choses. En 1663, lors de leur première arrivée, la colonie laurentienne comptait à peine trois mille habitants, et trois îlots de population, autour de Québec, Trois-Rivières et Montréal. Quand meurt en 1748 la dernière des pionnières, le Canada compte cinquante-cinq mille habitants répartis dans une centaine de paroisses.
Des générations plus tard…
Catherine Paulo fait partie des 36 Rochelaises qui embarquent pour aller peupler la Nouvelle-France. Elle a 18 ans lorsqu’elle effectue la traversée. À peine arrivée, elle épouse Etienne Campeau, maçon, et part s’installer avec lui à Montréal. Ils auront quinze enfants. Douze d’entre eux se sont mariés et ont eu une descendance. De père en fille et de cousinage en cousinage, quelques quatorze générations plus tard, l’ex-secrétaire d’État et épouse de l’ancien président des Etats-Unis, Hillary Clinton, se revendique de la descendance de Catherine Paulo (décédée en 17211). Des histoires comme celle-ci, il en existe des milliers en Amérique du Nord puisque ce sont ces migrants qui ont fait le pays.