Il y a deux sports nationaux au Québec : le hockey (sur glace) et les matches d’improvisation théâtrale. Celles et ceux qui pratiquent cette deuxième discipline (sur glace, pourquoi pas!) à La Rochelle au sein d’Impro and Co brûlaient donc d’aller à la source du genre. Ils ont réalisé ce rêve en organisant leur « tournée » québécoise du 23 octobre au 2 novembre. Quelques poutines plus loin, Elise Nocquet, présidente de l’association, a bien voulu spontanément improviser sur nos questions.
– Il semble que l’impro théâtrale sous forme de match soit une discipline typiquement québécoise. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus ?
Effectivement, la discipline est née au Québec et il y en a tous les jours de la semaine. Dans une seule ville, on peut trouver plusieurs soirées d’impro en différents lieux. Le format « match » est le plus courant mais selon les ligues et les lieux on peut trouver un décorum plus simplifié, sur seulement une patinoire*. Nous avons aussi joué régulièrement dans des bars sans patinoire. Nos amis Québécois, chez qui le jeu est très courant, ont pour habitude de se produire devant moins de 50 personnes tandis que chez nous un match d’improvisation est un événement donc nous avons plutôt tendance à jouer devant 100 à 200 personnes en moyenne.
– En effectuant ce voyage, vous êtes donc allés aux origines de la discipline?
Notre objectif était bien celui-là, et nous n’avons pas été déçus. On a découvert comment l’impro est jouée au Québec, sous quelle forme, comment les ligues sont constituées et de façon très différentes : ligue étudiante, ligue plus rurale (Mont-tremblant en a regroupé deux pour jouer avec nous), jeune ligue, école d’impro (Impro Montréal)… Un périple riche en découverte. Souvent on nous a demandé depuis combien de temps on faisait de l’impro : pour nous entre 3 et 10 ans, pour eux entre 10 et 20 ans. Au Québec, on commence dès le plus jeune âge, à l’école. Ils ont même des examens basés sur de l’improvisation au cours de leurs études.
– Comment avez-vous eu l’opportunité de partir ?
Le projet a été proposé par le bureau de notre association Impro and Co il y a 2 ans. Nous avons discuté, échangé et nous avons établi un prévisionnel. Puis nous avons constitué une équipe. Par le biais des réseaux sociaux et de nos connaissances on a contacté des ligues québécoises en expliquant notre démarche, notre projet. Certaines nous ont répondu qu’elles auraient grand plaisir à nous recevoir. Et petit à petit nous avons construit notre itinéraire…
– Vous avez déplacé une équipe importante ?
Nous étions neuf. Nous avions loué un Van pour nos déplacements. Certains soirs tous les improvisateurs jouaient dans deux lieux différents et d’autres soirs la moitié de l’équipe jouaient pendant que les autres regardaient. On apprend tout autant à regarder, c’est vraiment un plaisir.
– Comment avez-vous été reçus et de quelle manière s’est déroulé votre séjour?
Après avoir joué à Québec le 24 octobre avec la LIPRA et l’ÉPI, nous étions invités le 25 à voir un match de la Ligue d’Improvisation de Québec, une superbe soirée, riche d’enseignements. Le 26 nous avons joué à La Malbaie avec le RIRE, le 27 à Trois-Rivières avec LUITR, le 28 une équipe a joué à Drummondville et une autre à Montréal avec les Bûcherons et la TABASCO, le 29 à Montréal avec Impro Montréal, le 30 à Mont-tremblant, le 31 nous avons participé gratuitement à un stage à Montréal au théâtre Ste-Catherine. Et certains d’entre nous ont eu l’honneur de se produire lors du spectacle du soir en première et deuxième partie.
L’accueil Québécois est exceptionnel, nous avons toujours été bien reçu. Les Québécois apprécient vraiment l’échange, ils nous ont souvent proposé de manger avec eux avant nos match pour nous faire découvrir l’incontournable poutine… d’un restaurant, d’une ville à une autre, les recettes changent! Leur générosité très agréable. Pour les remercier nous leur offrions à chaque fois une bouteille de vin Français !
– Les Québécois sont-ils des champions en la matière (on ne parle pas de vin, ni de poutine, mais bien d’impro)?
Ils sont très forts, on ne peut pas le nier. Mais nous avons apporté une façon d’improviser différente : nous jouons beaucoup plus sur le physique, le visuel, la construction des histoires, sur l’émotion. Ce qui a permis au public Québécois de découvrir autre chose. Nous avons eu beaucoup de retours positifs du public après match. Nous avons rencontré des improvisateurs Québécois qui jouent beaucoup plus sur la punchline, sur le phrasé, un peu basé sur les shows à l’américaine. Une belle découverte pour nous. D’autres équipes se rapprochaient un peu plus de notre jeu. Il faut savoir que certains d’entre eux jouent plusieurs fois par semaine dans plusieurs ligues différentes. Ce qui n’est pas le cas chez nous. Nous n’avons qu’un entraînement par semaine, en moyenne 3 spectacles par mois. Mais certaines équipes comptaient dans leur troupe des improvisateurs français !
– Selon la formule sportive consacrée, « Jouer à l’extérieur » a-t-il été agréable ? Des liens solides ont-ils été noués et recevrez-vous bientôt à domicile des équipes québécoises pour un match retour ?
Cette tournée nous a beaucoup apporté, nous avons hâte de proposer de nouveaux formats, de nouvelles formules d’improvisations et évidemment de recevoir des équipes Québécoises chez nous. Effectivement nous avons noué des liens solides avec certaines ligues et nous espérons bien les rencontrer chez nous devant notre public. Mais comme ils nous l’ont expliqué, ce projet a un coût et ils doivent trouver des financements pour le réaliser. Ils étaient d’ailleurs très intéressés et étonnés par notre démarche de tournée québécoise. Ils nous ont beaucoup sollicités sur notre organisation, notre parcours…
Pour terminer, il est important de remercier l’association Improbation qui a permis de réaliser et de financer une partie de cette tournée, et d’adresser aussi un grand merci aux Québécois pour leur générosité, leur accueil. L’échange avec eux restera pour nous inoubliable.
*La patinoire désigne l’aire de jeu d’impro
À propos d’improviste
On doit cette discipline à Robert Grave, Québécois et pur produit du renouveau théâtral des années 70. Imaginant différentes formes de jeux d’improvisation, c’est au cours d’une soirée de l’automne 1977 qu’il en a calqué les règles en parodiant le hockey (la scène est une patinoire, il y a un arbitre, un maître de cérémonie, etc.) pour voir s’affronter deux équipes d’improvisateurs. Dans le match inaugural se trouvaient Robert et Benoît Gravel, Jean Pierre Ronfard, Yvon Leduc. A la fin de la soirée, tout était en place et le lendemain Yvon Leduc appelait Gravel pour le persuader de mettre son idée à exécution : élever l’improvisation théâtrale au rang d’une discipline « sportive » ! C’est ainsi que le 21 octobre 1977, après avoir réussi à convaincre douze comédiens de se lancer dans l’aventure, Gravel organisa le premier match.
Aujourd’hui, le match d’impro a conquis de nombreux adeptes à l’origine de nombreuses ligues et associations. On le retrouve également dans les milieux universitaires, les comités d’entreprise et les formations professionnelles.
Pour en savoir plus : www.improandco.com/ | www.facebook.com/improandquebec